TRAITE DU BLASON par M. Jouffroy d'ESCHAVANNES

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Extrait du livre de Jouffroy d'Eschavannes : Traité complet de la Science du Blason
à l'usage des Bibliophiles, Archéologues, Amateurs d'objets d'art et de curiosité, Numismates, Archivistes
PARIS - Librairie ancienne et moderne - Edouard Rouveyre - 45, rue Jacob, 45 - 1885
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DES FIGURES, PIÈCES OU MEUBLES QUI COUVRENT L'ÉCU

On appelle figures ou meubles tous les objets qui se placent sur le champ de l'écu. Leur nombre est infini, car chacun d'eux représentant un fait honorable, un voeu, un souvenir ou même un caprice, on conçoit quelle quantité d'objets peut être employée en armoiries. La guerre, la justice, les sciences, souvent même les épisodes de la vie privée, sont venus payer leur tribut au blason, en apportant tous les signes par lesquels on pouvait en caractériser les différents traits.
On a longtemps répété que les armes les plus simples indiquaient la plus pure noblesse. Ce fait, qui peut être vrai, admet cependant un grand nombre d'exceptions. Des familles possédant des armes très simples en ont vu successivement multiplier les meubles à mesure que des membres se distinguaient et obtenaient du souverain le droit d'ajouter à leur écusson quelque pièce commémorative d'une belle action. Ainsi notre première maison de France, celle de Montmorency, portait originairement d'or à une croix de gueules. Bouchard de Montmorency ajouta quatre alérions comme marque des quatre enseignes impériales conquises par lui sur l'armée de l'empereur Othon en 978. Mathieu de Montmorency porta ce nombre à seize, à cause des douze enseignes qu'il prit à la bataille de Bouvines, en 1214.
Les figures sont de quatre sortes: 1°, héraldiques; 2°, naturelles; 3°, artificielles; 4°, chimériques.

FIGURES HERALDIQUES

On nomme ainsi des figures formées de divers signes de convention, et qui sont du plus grand usage en armoiries. On les divise en pièces de premier ordre ou honorables, pièces du second ordre, et pièces du troisième ordre.

Pièces héraldiques de premier ordre ou honorables.

Elles sont au nombre de douze, savoir: le chef, le pal, la fasce, la bande, la barre, la croix, le sautoir, le chevron, la bordure, le franc-quartier, l'écusson en coeur et la champagne. Elles sont très fréquemment employées; leur dimension est toujours du tiers de l'écu, sauf pour le franc-quartier, qui n'est que du quart à peu près.
Les anciens auteurs n'en reconnaissaient pas autant; mais, sous l'empereur Napoléon, le blason ayant été en quelque sorte reconstitué, on a admis douze pièces honorables, parmi lesquelles la champagne, qui n'y figurait jamais auparavant.

Le chef.

On le place à la partie supérieure de l'écu, dont il occupe ordinairement le tiers. Il représente le casque du chevalier, le bourrelet, ou même la couronne qui couvre toujours sa tête.

LA GARDE CHAMDONAS

d'azur au chef d'argent.

Le pal

Il est le hiéroglyphe de la lance du chevalier, et du poteau surmonté d'armoiries que chaque baron faisait dresser devant sa tente ou devant le pont-levis de son manoir: c'était une marque de juridiction. On le place dans le sens vertical.

BOLOMIER

de gueules au pal d'argent.

La fasce

C'est la ceinture du chevalier, dont elle reproduisait la couleur et les ornements. Sa dimension est du tiers de l'écu, et elle en occupe, le milieu dans le sens horizontal.

BÉTHUNE

d'argent à la fasce de gueules

La bande

Cette pièce représente l'écharpe passée sur l'épaule, ou le baudrier de l'épée. On l'obtient au moyen d'une diagonale tirée de l'angle supérieur de droite à l'angle inférieur de gauche.

TORCY

de sable à la bande d'or

La barre

Elle représente aussi l'écharpe du chevalier, mais disposée dans un sens contraire, c'est-à-dire de gauche à droite. Adoptée comme signe de bâtardise, elle a donné lieu à cette expression: né du côté gauche, appliquée à un enfant illégitime. Dans ce cas, elle est ordinairement diminuée de largeur. Celle qui occupe le tiers de l'écu ne peut être considérée comme marque de bâtardise.

SAINT-CLERC

d'azur à la barre d'argent

La croix.

C'est le signe de notre rédemption, qu'adoptèrent naturellement les preux dont la dévotion égalait la bravoure. On la forme au moyen de la réunion du pal et de la fasce. Le fameux labarum de Constantin n'était autre chose que la croix, et elle fut adoptée comme un signe de piété ou de services rendus à la religion. Les événements en ont fait varier les formes à l'infini, et nous donnerons un chapitre spécial pour indiquer les plus usitées.

BAUDRICOURT

d'argent à la croix de gueules.

Le sautoir.

On l'obtient au moyen de la bande et de la barre, dont il est la réunion. Quelques auteurs l'ont considéré comme représentant l'étrier, mais il est plus probable qu'on ne doit y voir qu'une variété de la croix. Un fait à l'appui de cette opinion, c'est qu'il est encore nommé croix de Saint-André, ou croix de Bourgogne. Ses formes sont aussi variées que celles de la croix.

ANGENNES

de sable au sautoir d'argent.

Le chevron.

Le chevron à la forme d'un compas ouvert dont le point de réunion des deux branches serait vers le chef de l'écu. Il est l'emblème de l'éperon, et on l'a pris encore pour le signe hiéroglyphique des toitures de châteaux, des machines de guerre, et des tours de bois en usage dans les sièges.

VAUBECOURT

de gueules au chevron d'or.

La bordure.

Cette pièce enveloppe l'écu sans le couvrir entièrement, et est un symbole de faveur et de protection. Les souverains l'accordent comme récompense d'un service signalé, indiquant de cette manière qu'ils défendent celui qui en est décoré contre les embûches de ses ennemis.

HOLLAND

de gueules à la bordure d'argent.

Le franc-quartier.

Il occupe un peu moins du quart de l'écu, et se place à l'angle supérieur à dextre. Souvent il sert de brisure.

LAMOlGNON

losangé d'argent et de sable au franc-quartier d'hermine.

L'écusson en coeur.

Plus petit des deux tiers que l'écusson principal, il en occupe le centre ou coeur. C'est presque toujours une concession d'un souverain, ou encore une marque d'amour de la part de celui qui le porte. Souvent dans un tournoi, un chevalier plaçait ainsi au centre de son écu un signe, un rébus, une couleur qui ne pouvaient être compris que de la dame de ses pensées.

BARBEZIEUX

d'or à un écusson d'azur en coeur.

La champagne.

Cette pièce, qui occupe le tiers inférieur de l'écu, est rarement employée en armoiries; aussi peu d'auteurs la placent-ils au nombre des pièces honorables ou du premier ordre. L'usage en a cependant été consacré dans les armoiries concédées par l'empereur Napoléon, où elle figure au nombre des pièces honorables. Les armoiries accordées aujourd'hui lui conservent le même privilège.

WOODWIL

de gueules au canton sénestre d'argent, à la champagne de même.