Les Métiers et Corporations de la ville de Paris - Étienne Boileau

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Histoire générale de Paris - Les Métiers et Corporations de la ville de Paris
XIIIe siècle - Le Livre des Métiers d'Étienne Boileau - Introduction (extraits)

Classement des métiers et résumé des statuts des communautés ouvrières

GROUPES

Alimentation, Farines, Boissons, Épicerie et vivres en général

Orfèvrerie, Joaillerie, Sculpture

Métaux, Ouvriers en fer, Ouvriers en métaux divers, Objets divers de fantaisie, Armures

Étoffes et Habillements, Soie, Draps et Lainages, Toiles, Vêtements, Friperie

Cuirs et Peaux, Chaussures et Vêtements, Sellerie et Harnachement

Bâtiment et Métiers divers, Poteries, Étuviers et Chirurgiens

2ème GROUPE

ORFÈVRERIE, JOAILLERIE, SCULPTURE

Les Orfèvres travaillaient, comme aujourd'hui, les métaux précieux; les Cristalliers, qui répondent à nos joailliers lapidaires, taillaient les pierres précieuses, non seulement pour les enchâsser dans une monture d'or, mais pour en faire des objets entiers. A cette époque de grand luxe, il n'était pas rare de voir un hanap d'améthyste, une coupe d'agathe ou de cristal, un verre d'émeraude ou de rubis.
Les Patenôtriers se divisaient en quatre catégories, suivant les matières qu'ils mettaient en oeuvre: l'os et la corne, le corail et les coquilles de nacre, l'ambre et le jais. Il y en avait aussi d'autres enfin qui faisaient des boules et des anneaux pour les vêtements.
Le travail des Cristalliers ou Pierriers consistait dans la taille du cristal de roche et des pierres naturelles, ou comme nous disons aujourd'hui, des pierres fines. Il était défendu de dissimuler, par des teintures ou des dorures, les joints ou les défauts du cristal.
A la suite des Cristalliers se trouvent les règlements de deux communautés d'ouvriers appelés les Batteurs.
Dans nos textes, il est fait mention de quatre métaux soumis à l'action de la batte: 1° l'archal; 2° l'étain; 3° l'argent; 4° l'or. Comme ces métaux ont des propriétés particulières et exigent des procédés différents, il s'était formé, pour chacun d'eux une classe d'ouvriers, hormis pour l'or et l'argent, qui se subdivisaient en deux corps de métier: ceux qui réduisaient le métal en fil, et ceux qui le réduisaient en feuilles.
Les Batteurs d'or et d'argent à filer, après avoir frappé leur métal avec le marteau, l'étiraient et le découpaient en fil, pour les étoffes et les broderies d'or.
Les Batteurs d'or en feuilles réduisaient le métal battu en lames ou en feuilles de différentes largeurs, selon l'emploi qu'on en voulait faire. Les feuilles de métal servai couleur ent à recouvrir les meubles et autres objets d'appartements, qu'on appelait pour cette raison «chambres de batture».
Les Imagiers étaient des tailleurs ou sculpteurs de statues, statuettes, crucifix, etc., en bois, pierre, os, corne ou ivoire; métier de luxe par excellence, qui ne s'adressait qu'à la sainte Église, aux princes, aux barons et aux autres riches et nobles hommes.
Le travail de l'Imagier se divisait en deux branches, la sculpture et la peinture, en raison de l'usage qu'on avait alors de recouvrir les statues de dorures ou de couleurs.
Les Peintres étaient tenus d'appliquer leur or sur argent. Quand ils l'appliquaient sur l'étain et qu'ils vendaient l'objet sans en rien dire, ils étaient punis d'une forte amende, comme contrefacteurs, et obligés de gratter tout le travail, pour le refaire consciencieusement. Partout ailleurs les objets ainsi déclarés étaient jetés au feu; chez les Imagiers seuls on faisait une exception en signe de vénération pour les Saints et les Saintes, parce que les objets mal fabriqués en rappelaient cependant la mémoire.
A mesure qu'on s'éloigne du XIIIe, époque où les communautés sont fort divisées, les travaux de luxe religieux ou mondains concentrent, en grande partie, dans les mains de la puissante corporation des Orfèvres. Les Imagiers comptent parmi les victimes de l'extension du métier des Orfèvres en 1507, ils furent contraints de former une seule et même communauté avec les ouvriers appelés Tabletiers et Peigniers, artisans d'un ordre sensiblement inférieur.
Parmi les objets de luxe on rangeait les barils, ou petits fûts de bois, agrémentés de cercles de métal et quelquefois de pierreries. Ces barils avaient une telle vogue qu'ils formaient le seul travail d'une communauté appelée les Barilliers. Ces artisans jouissaient des privilèges attachés aux grands métiers: le droit de travailler la nuit et les jours de fête, l'exemption du guet, le nombre illimité des apprentis.

3ème GROUPE

MÉTAUX

OUVRIERS EN FER

Les ouvriers en fer, désignés en général sous la dénomination de Fèvres, s'étaient divisés en trois catégories: Maréchaux, Couteliers et Serruriers. Placés sous la juridiction du Maréchal du Roi, ils obéissaient aux mêmes prescriptions sauf sur quelques points de fabrication.
Si le Fèvre-maréchal voulait avoir une machine à ferrer les chevaux difficiles, machine appelée «travail», il devait trois sous de hauban par an, lorsque la machine était à l'intérieur de la maison, et six sous, après autorisation du Voyer, quand elle était sur la rue.
Les Fèvres-couteliers, c'est-à-dire les fabricants de lames de couteaux, achetait ce métier cinq sous, prix égal à celui que payaient les Maréchaux.
Les Serruriers achetaient le métier cinq sous. Il était interdit à tout Serrurier de travailler la nuit, autant à cause de l'insuffisance de l'éclairage que pour éviter d'éveiller des soupçons; de plus, il n'avait le droit de faire une clef que si la serrure était devant lui, et non pas sur une simple empreinte, qu'il eut été facile de se procurer clandestinement. Les serrures devaient être garnies de toutes leurs gardes; sinon elles devaient être «arses».

OUVRIERS EN MÉTAUX DIVERS

Les Couteliers faiseurs de manches, exempts de la juridiction du Maréchal et de l'achat du métier, n'ont aucun point réglementaire commun avec les Fèvres-couteliers; ils faisaient leurs manches en matières délicates, telles que l'os, les bois durs, l'ivoire, et prenaient les lames de couteaux pour les emmancher. Ils se disaient encore faiseurs de peignes d'ivoire; les peignes, en effet, étaient souvent munis d'un manche et montés à l'instar d'un couteau.
Le métier de Serrurier en cuivre était franc. Le travail de la nuit était sévèrement réprimé. Une prescription défendait aux Serruriers de faire une réparation au compte des Gaîniers ou des Merciers, parce que ceux-ci prenaient, de leur côté, une grosse somme pour la réparation et n'en donnaient que la moitié au Serrurier qui l'avait faite. On ne saurait mieux flétrir le manque d'honnêteté chez les commerçants.
Les Serruriers en cuivre, appelés aussi Boîtiers, fabriquaient de petites serrures à boîtes pour meubles et objets de toute espèce, tels qu'écrins ou étuis à bijoux, hanapiers ou étuis servant à contenir les petits vases appelés hanaps, fort à la mode au moyen âge et enrichis selon toutes les exigences du luxe; ils fabriquaient en outre, des serrures pour les tables et les coffres.
Les statuts des autres ouvriers en fer et en divers métaux se suivent à peu près dans notre recueil, mais sans aucun ordre méthodique. Parmi ces ouvriers, les uns réduisent le métal en feuilles minces, ce sont les Batteurs d'archal; les autres le réduisent en fils, ce sont les Tréfiliers de fer et d'archal.
Les Fondeurs et Mouleurs faisaient, entre autres objets, des sceaux ou cachets de fantaisie en cuivre; il leur était interdit, sous peine d'être de corps et de biens à la merci du Roi, de fondre des cachets portant des lettres. On craignait la contrefaçon des sceaux authentiques ou même des monnaies.
Les statuts des Lampiers sont au titre XLV, mais ce sont plutôt des fondeurs et mouleurs sur métaux; ils ont d'ailleurs ce nom dans les autres manuscrits. Les objets mentionnés dans ce titre sont des chandeliers et des lampes de cuivres.
Les ouvriers sur métaux qui faisaient des boucles ou des anneaux se divisaient en deux catégories: les Boucliers de fer travaillant aux gros objets, et les Boucliers d'archal, de cuivre et de laiton. Les Boucliers de cuivre et les Attacheurs, fabricants de clous, boucles, mordants et plaques à mettre sur les ceintures, ou courroies, travaillaient de concert avec les Courroyers, bien que ceux-ci fussent d'une communauté différente.
Les Fermaillers mentionnent comme objets de leur fabrication, des anneaux, des dés à coudre, des fermaux, des fermillets, etc., sortes d'agrafe ou crochets, dont on ornait les vêtements; des fermoirs à livres, des anneaux et des boucles.
Le nom de Patenôtrier appartenait déjà aux fabricants de chapelets, ou patenôtres; mais le mot patenôtre, s'étendant peu à peu à toute espèce de grains et de boules, cessa de conserver son sens religieux, et donna naissance à une communauté spéciale d'ouvriers. Leur travail était assez divisé, car en même temps que les patenôtres et les boucles de souliers en métal, ils faisaient des noyaux ou boutons de robe en os, en corne, en ivoire.
Au sujet de leur fabrication, les Épingliers parlent de fourbir et d'empeser, et défendent de faire tirer le métal en fil à d'autres qu'à ceux du métier.

OBJETS DIVERS DE FANTAISIE

Les Gaîniers confectionnaient, comme aujourd'hui, des écrins pour enfermer les bijoux et les vases précieux, des fourreaux et des carquois dit cofiniaux. Ces ouvrages se faisaient en cuir bouilli; les peaux de vache, boeuf, veau, cheval et âne, étaient reconnues comme seules convenables. Les statuts ne disent pas si les Gaîniers teignaient leurs cuirs; ils parlent seulement des cercles et des garnitures de métal que les ouvriers, appelés Garnisseurs de gaînes, disposaient sur les écrins et sur les épées. C'étaient des viroles, rivets, cercles, crampons, bandes et autres objets désignés par des termes de métier.
D'autres métiers travaillaient le bois et la corne; c'étaient tout d'abord les Peigniers-lanterniers. On avait l'usage d'adapter de longs manches aux peignes, et ces manches étaient parfois l'objet d'une ornementation aussi riche que variée.
Les Tabletiers faisaient des tables «à escrire ou à pourctraire», c'est-à-dire de petits carnets composés de minces plaquettes de bois dur, d'ivoire ou de corne, que nos ancêtres portaient suspendus à la ceinture, par des lacs de soie ou des chaînettes.
Les Déciers travaillaient le bois, l'os, la corne, l'ivoire. Ces ouvriers ne s'occupaient que de la fabrication des dés à jouer, appelés «dés à table et à eschiés». Non seulement on peut s'étonner qu'une corporation tout entière ait pu vivre de ce commerce, mais son existence même a tout lieu de paraître étrange, à côté des ordonnances de 1254 et 1256, par lesquelles saint Louis défend le jeu et la fabrication des dés.
Les Boutonniers s'appelaient aussi Déciers de cuivre et de laiton. Les ouvriers de ce métier paraissent avoir fait, outre les boutons et les dés à coudre, des épingles à pierre et à boutons, dans le genre de ce que nous appelons des broches.

ARMURES

Les Haubergiers fabriquaient les hauberts, cottes de mailles et autres armures en métal dont se vêtissaient les guerriers.
Les Archiers fabriquaient des arcs, des carreaux, des flèches en bois ou en corne, qu'ils empennaient de plumes de poules ou d'autres oiseaux, ainsi que des arbalètes.
Les Fourbisseurs d'épées fabriquaient les épées.