ORNEMENTS EXTERIEURS par M. Jouffroy d'ESCHAVANNES

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Extrait du livre de Jouffroy d'Eschavannes : Traité complet de la Science du Blason à l'usage des Bibliophiles,
Archéologues, Amateurs d'objets d'art et de curiosité, Numismates, Archivistes
PARIS - Librairie ancienne et moderne - Edouard Rouveyre - 45, rue Jacob, 45 - 1885

TRAITE DU BLASON

ORNEMENTS EXTERIEURS DE L'ECU, TIMBRES, CASQUES ET HEAUMES

COURONNES

LAMBREQUINS, MANTELETS ET BOURRELETS

CIMIERS

SUPPORTS ET TENANTS

CRI D'ARMES, DEVISES ET PAVILLONS

LAMBREQUINS, MANTELETS ET BOURRELETS

orsque les armoiries sont timbrées d'un heaume, on voit généralement celui-ci orné de pièces d'étoffes nommées lambrequins. L'origine de cet ornement est très ancienne et provient du chaperon que les chevaliers posaient ordinairement sur leur casque, pour empêcher que l'ardeur du soleil n'échauffât l'acier, ou même pour préserver celui-ci de la rouille produite par l'humidité. Tantôt c'était un mantelet qui, fixé au sommet du casque, l'enveloppait entièrement et couvrait aussi les épaules; d'autres fois c'était un simple volet ou vêtement de tête qu'on laissait voltiger au gré du vent et qui devenait ainsi un ornement des plus gracieux. Souvent un chevalier, au retour d'une bataille, revenait avec son volet tailladé de coups d'épée, honneur que chacun enviait, puisqu'il prouvait qu'on s'était trouvé au fort de la mêlée. La vanité ne manqua pas de s'emparer de ce signe de la bravoure, et tout le monde voulut en orner ses armoiries. L'usage une fois général, l'origine fut oubliée et ces hiéroglyphes de l'honneur subirent tous les caprices de la mode; chacun en varia la forme à son gré. Les lambrequins sont devenus aujourd'hui un des plus gracieux ornements des armoiries par les formes bizarres ou élégantes que leur donnent les peintres et les graveurs.

Dans la pratique ordinaire du blason, les lambrequins doivent être des mêmes émaux que le champ et les pièces de l'écu. Quand les armoiries ont des supports, on représente les lambrequins volants aux côtés du casque sans qu'ils enveloppent l'écu; on leur donne aujourd'hui une forme assez semblable à celle des feuilles d'acanthe.

Le bourrelet est un tour de livrée placé au sommet du heaume, et composé des mêmes émaux que les lambrequins, auxquels il sert d'attache. Son but était primitivement d'amortir les coups portés sur la tête.

Sous l'empire français, on ajouta des lambrequins aux toques qui remplaçaient les couronnes, et, par une erreur qu'il est impossible de s'expliquer, on viola les règles du blason en les composant de métal sur métal. Les princes grands dignitaires et les ducs portaient six lambrequins d'or; les comtes ornaient leur toque de quatre lambrequins, les deux supérieurs en or, et les deux autres d'argent. Enfin les barons avaient deux lambrequins d'argent.

CIMIERS

es cimiers ont été ainsi appelés par les anciens hérauts parce qu'on les pose à la cime ou sommet des casques; ils en sont l'ornement comme ce casque est lui-même l'ornement de l'écu. La plus haute antiquité nous montre les guerriers plaçant sur leur tête des objets fantastiques pour paraître plus redoutables à leurs ennemis, ou pour se donner aux yeux de leurs compagnons un aspect plus majestueux. Jupiter Ammon était représenté portant un bélier en cimier, Mars un lion, Bacchus une panthère, Minerve une chouette. Hercule avait adopté la tête du lion de Némée, et Aventinus, un de ses descendants, conserva le même cimier. Alexandre le Grand, qui se prétendait issu de Jupiter Ammon, portait aussi un lion; et Pyrrhus, roi d'Epire, avait adopté des cornes de bouc. Diodore de Sicile dit que les rois d'Egypte portaient en cimier des têtes de lion, de taureau ou de dragon.

Les chevaliers du moyen âge se gardèrent bien d'abandonner un usage antique aussi répandu chez toutes les nations, et les tournois virent tous les preux orner leurs heaumes d'ornements héraldiques. Les panaches, les vols d'oiseaux, les animaux, les monstres chimériques, les sirènes, étaient tour à tour employés. Les figures de l'écu, telles que les fleurs de lis, ornaient encore la tête de celui qui en portait dans ses armes. Un genre de cimier que l'on trouve très répandu en Allemagne, et souvent dans les anciennes familles de France, est celui des cornes. Cet usage était venu de l'antiquité, et les cornes étaient regardées comme un signe de puissance. Les ducs de Bretagne en ornaient leur casque, ainsi que beaucoup d'autres princes souverains. Nous avons déjà dit que les chevaliers qui avaient assisté à deux tournois adoptaient aussi ce genre de cimier.

Les cimiers ont souvent été des devises ou même des signes de convention entre un chevalier et sa dame, au moyen desquels celle-ci pouvait seule, dans un tournoi, reconnaître le héros dont elle inspirait les prouesses. Ce n'était donc qu'un ornement facultatif que le même individu pouvait changer autant de fois qu'il lui plaisait, selon les circonstances, et que ses descendants étaient entièrement libres d'adopter ou de rejeter.

Les pièces honorables du blason ne se mettent pas en cimier.

Les cimiers se faisaient en carton ou en cuir bouilli, que l'on recouvrait de peinture et de vernis pour les rendre imperméables. Ceux de fer ou bois étaient forts rares, car leur poids embarrassait la tête du chevalier.

Lorsqu'une famille possède héréditairement un cimier, les branches cadettes se contentent de le changer pour opérer une brisure dans les armoiries.

SUPPORTS ET TENANTS

n nomme supports d'armoiries des animaux qu'on place aux deux côtés de l'écu pour le supporter ou le garder. On les représente ordinairement dans une posture fière et hardie, comme pour inspirer la terreur, et souvent on en fait des animaux fantastiques. Les tenants diffèrent des supports en ce que cette dénomination ne s'applique qu'aux êtres humains, tels que les anges, moines, Mores, sauvages, etc..., ou qui ont quelque partie humaine, comme les sirènes, centaures et autres.

La coutume de ces ornements vient des tournois où les chevaliers faisaient porter leur écu par des valets ou écuyers vêtus d'accoutrements bizarres. Quelquefois on suspendait simplement les armoiries à un arbre ou à une lance, et aussi à une armure complète représentant le chevalier. On en trouve des exemples dans les anciennes gravures, et Olivier de la Marche dit que ce ne fut que plus tard que l'on adopta des animaux fantastiques pour supports des écus.

L'hérédité des supports ou tenants n'est pas absolue, et ne se pratique que dans certains cas très rares. Personnels à celui qui en orne son écu, ils représentent un évènement particulier, ou le plus souvent une fantaisie, un caprice. Cependant beaucoup de familles prennent pour supports ou tenants des pièces de l'écu, et il n'est pas rare de voir un animal héraldique dont l'écu est chargé se répéter en supports et en cimier.

Le droit de supports ou tenants n'était primitivement reconnu qu'aux familles revêtues d'une haute autorité; mais tout le monde aujourd'hui ajoute ces ornements à l'écu. Il arrive aussi, et cela se voit surtout dans les familles où les supports sont héréditaires, que les cadets se contentent pour brisure d'un changement dans ces figures extérieures.

Les supports sont très rares en Allemagne, en Italie, en Espagne. Les femmes et les ecclésiastiques n'en prennent presque jamais, à moins que ce ne soit comme indice de grande puissance et même de souveraineté.