BOREL D'HAUTERIVE : Histoire des armoiries des Villes de France

Armoiries, armes, blason, écu: dessin réalisé avec Euralsuite.
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LYON

ARMES: de gueules, au lion d'argent, au chef cousu de France.

La souveraineté temporelle que les archevêques de Lyon exercèrent sur leur diocèse empêcha longtemps le développement du pouvoir municipal de cette ville. Les prélats refusaient encore, en 1273, à ses habitants le droit de se constituer en université ou en commune; ils leur défendaient de s'assembler, de tenir des conseils, de se servir d'un sceau, dont on voulait depuis trois ans introduire l'usage (Olim, éd. de M. Beugnot, page 933).
Philippe-le-Bel, qui convoitait la possession de Lyon, et qui faisait fomenter les dissensions intestines entre le peuple et l'archevêque par son prévôt de Saint-Just, sut faire tourner le débat à son profit et s'empara de la ville. Nous ne devons donc pas nous étonner si l'on ne trouve que très tardivement les preuves de l'existence de son sceau particulier.

Fondée par Lucius Plancus, dont elle prit le nom, Lyon en latin Lugdunum ou Lucdunum, Lucii dunum, colline de Lucius, devint bientôt la capitale des Gaules, et obtint, ainsi que l'atteste Strabon, le droit de battre monnaie. Les pièces gallo-romaines portaient une tête de la Victoire tournée à droite, et sur le revers, un lion passant. Il ne faut pas croire que cet animal y ait été représenté par allusion au nom de la ville; car il était appelé en latin leo, mot qui n'avait aucune analogie avec Lugdunum.
Sous la domination des archevêques, les monnaies de Lyon offrent des croix, des soleils, des lunes et quelquefois des fleurs de lis; mais l'on n'y retrouve plus de trace du roi des animaux. Dans son Dictionnaire encyclopédique de la France, M. Lebas dit que les comtes de Forez et de Lyonnais de la première race, éteints en 1107, avaient, par allusion au nom de la ville de Lyon, adopté pour armoiries un lion, qui fut remplacé par un dauphin sous la seconde race comtale, issue de la maison de Viennois. Nous ignorons où le savant historien a puisé ces renseignements, mais il nous semble très hasardé d'attribuer un blason aux anciens comtes de Forez et de Lyon antérieurs au douzième siècle; le P. Anselme s'est bien gardé de le faire.
C'est la maison des sires de Beaujeu qui avait pour armes: d'or, au lion de sable, chargé d'un lambel de cinq pendants de gueules. Isabeau de Beaujeu, son dernier rejeton, ayant épousé Renaud comte de Forez, Louis, leur fils puîné, forma la tige des seigneurs de Beaujeu qui prirent pour blason: d'or, au lion de sable, armé et lampassé de gueules, chargé d'un lambel de gueules de trois pièces. Edouard, dernier sire de Beaujeu, poursuivi pour crime de rapt, donna les terres de Dombes et de Beaujolais au duc de Bourbon, qui lui avait fait obtenir sa grâce et sa liberté. Il mourut au mois d'août 1400.
Mais revenons à Lyon. Paradin, le P. Menestrier et plusieurs autres historiens disent qu'au bas d'un acte, émané des échevins de cette ville vers le commencement du treizième siècle, on voyait un sceau sur lequel était figuré un pont placé entre deux tours et surmonté d'un lion. Le passage des Olim cité plus haut nous porte à croire que cette assertion est erronée au moins pour la date, et que le premier sceau de la ville de Lyon est celui dont les archevêques attaquaient l'introduction récente en 1273, et proscrivaient l'emploi.
Ce sceau se retrouve dans la précieuse collection des Archives nationales, au bas d'un acte de mai 1271, par lequel la ville de Lyon, en reconnaissance de la protection et de la sauvegarde que lui accorde le roi de France, s'engage à lui payer chaque année un impôt provenant d'une taxe établie sur tous les bourgeois. L'empreinte représente une ville et un pont au milieu duquel il y a une croix, chargée, à l'intersection de ses branches, d'un cercle dans lequel est renfermée une fleur de lis. La légende est brisée et il n'y a pas de contre-sceau.
Le lion paraît pour la première fois, en 1320, dans un sceau de la ville qui offre des différences notables avec le précédent. La croix est plus grande, et elle est cantonnée d'un soleil, d'une lune, d'une fleur de lis et d'un lion. Sur le contre-sceau sont figurés un lion, entre deux petits châteaux, et au-dessus une fleur de lis. Légende: S. SECRETI UNIVERSITATIS LUGD.
Depuis cette époque, le roi des animaux a toujours joué le principal rôle dans le blason de la ville de Lyon et en a fait des armoiries parlantes. Mais l'écu a subi plusieurs modifications, on y a introduit, vers la fin du quatorzième siècle, un chef de France, que l'on ne charge ordinairement que de trois fleurs de lis; ce qui semblerait donner à cette addition une date postérieure au règne de Charles V. Cependant on trouve aussi quelquefois le chef semé de fleurs de lis.
Lorsque sous l'empire Lyon reçut de nouvelles armoiries elles furent blasonnées: de gueules, au lion rampant, la queue fourchée d'argent, au chef cousu des bonnes villes de l'empire. Le mot rampant est inutile, car tout lion héraldique est rampant, à moins qu'on n'indique le contraire. Quant à la queue fourchée, c'est la manière dont on figurait celle des lions dans les armoiries anciennes.
En 1816, la ville de Lyon ne se contenta pas de reprendre les armoiries qu'elle avait avant 1789, elle demanda et obtint l'autorisation d'armer d'un glaive d'argent la patte dextre du lion, en mémoire du siège qu'elle soutint avec tant de patriotisme et d'énergie au mois de septembre 1793.

Histoire

On a rapporté la fondation de Lyon à une colonie phénicienne ou rhodienne, qui aurait donné son nom au fleuve (Rhodanus) sans changer le nom celte de la localité, Lugdunum (colline du corbeau). Quoi qu'il en soit au moment de la conquête romaine, la ville était devenue l'importante capital des Ségusiaves. Au moyen âge, Lyon fit successivement partie du royaume des Burgundes, de l'empire de Charlemagne, du royaume de Lothaire ; enfin, en 879, du royaume de Provence, avec Boson. A la faveur des troubles qui marquent de début de la féodalité, le pouvoir temporel échappe à la maison de Bourgogne, après Rodolphe III (1032), et vient, malgré les prétentions des comtes du Lyonnais et du Forez, aux mains des archevêques (1173). Mais ceux-ci doivent, sur l'appel à Philippe IV de la bourgeoisie lyonnaise, partager avec le roi de France cette souveraineté (1274), Lyon restant cependant, en même temps, ville d'empire. A partir du XIVème siècle, la prospérité de la ville ne devait pas cesser de s'accroire en dépit des graves, mais passagères atteintes qu'elle eut à subir : pendant les guerres d'Italie d'abord, au cours desquelles la réunion à la couronne des domaines du connétable de Bourbon (Forez, Beaujolais, Lyonnais) en fit une capitale de province (Lyonnais) ; au cours des guerres de religion, où elle fut pillée à deux reprises par les protestants, (1562), puis par les catholiques (1572), lors de la révocation de l'Edit de Nantes, où une partie de ses meilleurs ouvriers dut s'exiler.
Noblesse de l'échevinage
La ville de Lyon, fondée et agrandie par Munatius Plancus, quarante ans avant l'ère chrétienne, atteignit rapidement un haut degré de prospérité. Après la chute de l'empire d'Occident, Chilpéric, roi des Bourguignons, s'étant emparé de cette cité, en fit la capitale de son royaume, qui fut partagé entre les fils de Clovis, à la mort de Gondemar, en 534. Le Lyonnais, annexé aux Etats de Gontran, roi d'Orléans, resta sous l'autorité des princes mérovingiens et carlovingiens jusqu'à la formation du royaume d'Arles par Boson, beau-frère de Charles le Chauve et gendre de l'empereur Louis II. Enfin, vers 965, le roi Lothaire céda ce pays en dot à sa soeur Mathilde, mariée à Conrad le Pacifique, roi de la Bourgogne Transjurane.
A la faveur des troubles et des démembrements de l'Empire, Lyon s'efforça de conquérir son indépendance et de devenir ville libre impériale. Mais son archevêque Birchard, oncle de Conrad le Pacifique, et les successeurs de ce prélat prétendirent conserver sur elle la souveraineté temporelle. Une longue lutte s'engagea entre les habitants de Lyon et les officiers qui, chargés de faire respecter le pouvoir de l'archevêque et de rendre la justice en son nom, leur refusaient le droit de se constituer en université ou commune, de s'assembler et de veiller eux-mêmes à leurs propres intérêts. Sous le règne de Philippe-Auguste et le gouvernement de l'archevêque Renaud de Forez, vers l'an 1200, le conflit devint plus sérieux. Les Lyonnais formèrent une espèce de ligue et choisirent cinquante d'entre eux pour composer un conseil de la cité, à l'exemple des Parisiens. Malgré l'intervention de Saint Louis, choisi comme arbitre, les troubles ne firent qu'augmenter de gravité, et, en 1267, les bourgeois de Lyon profitèrent d'une vacance du siège archiépiscopal pour élire douze conseillers et leur confier l'administration de leurs affaires. La querelle s'étant envenimée de nouveau vers l'an 1306, la ville se mit sous la protection de Philippe le Bel, qui saisit cette occasion d'y établir son autorité royale. Il chargea son fils aîné Louis le Hutin de consommer la conquête de Lyon et son annexion à la couronne de France. Il laissa à l'archevêque Pierre de Savoie la seigneurie de la ville, qu'il érigea en fief immédiat sous le titre de comté. Le chapitre de Saint-Jean, qui assistait le prélat dans l'exercice de son pouvoir temporel, se composait de trente-deux chanoines, comtes de Lyon, dont le roi était de droit le premier. Pour y être admis il fallait prouver seize quartiers de noblesse, sans principe d'anoblissement connu.
Si les Lyonnais n'obtinrent point pour prix de leurs efforts une indépendance complète, ils reçurent du moins de nombreux privilèges et de grandes franchises. Le roi leur confirma le droit d'élire tous les ans douze conseillers ou échevins auxquels était confié le soin d'administrer les affaires publiques, de créer et lever des impôts pour les nécessités publiques, d'établir le guet pendant la nuit, de garder les clefs des portes et d'appeler les bourgeois sous les armes.